
Titre : Rousse
Auteur : Denis Infante
Édition : Tristram
Parution : Le 4 janvier 2024
Nombre de pages : 132
Sur une terre que l’homme semble avoir désertée, où l’eau est devenue rarissime, tous les vivants – « mobiles autant qu’immobiles » – souffrent de la soif. Les végétaux dépérissent. Les animaux aquatiques aussi, pris au piège de l’évaporation de leurs demeures. Au retour de leurs longs périples, les oiseaux migrateurs n’apportent pas de bonnes nouvelles : partout la sécheresse sévit.
« Quelques-uns pourtant avaient osé, s’étaient décidés pour une des quatre directions, par choix ou guidés par pur hasard, et s’étaient mis en marche, droit devant. Rousse était de ceux-là. »
Ainsi commence ce bref roman, porté par une langue au ras du réel, de la conscience et des sensations de Rousse, une jeune renarde. Son histoire possède la clarté d’une fable et la puissance d’une odyssée. Le chapitre où Rousse découvre une trace de l’existence passée des hommes – l’incompréhensible carlingue d’un avion de ligne écrasé au sol – est inoubliable. Tout comme sont inoubliables les scènes où elle chemine et dialogue avec un vieux corbeau très sage, du nom de Noirciel. Et quel meilleur suspense que la recherche héroïque d’une eau vitale, mais peut-être impossible à trouver…
L’exergue, emprunté à Jean Giono, dit tout de l’ambition poétique et métaphysique de ce roman splendide : « Dans tous les livres actuels on donne à mon avis une trop grande place aux êtres mesquins et l’on néglige de nous faire percevoir le halètement des beaux habitants de l’univers. »
Loutre en temps doux et joyeux nageait et fendait eau fraîche et claire. Sous étoiles brillantes, Loutre était triste. Rivière vivante était asséchée. Sous ses pattes palmées poussières brûlantes. Loutre réjouît du retour d’Ours après long sommeil d’hiver. Elle savait que faim immense habitait Ours. Pas de repas poissonneux partagé, désolation grandissait. Seulement regards inquiets croisés.
En ce début de printemps, Nous décidâmes de suivre les empruntes de « Rousse » dans voyage au cœur des mots. Aucunes de nos lectures communes ou personnelles ne nous préparaient à telle Histoire.
Je savais que rencontrer Rousse allait m’émouvoir, me toucher et qu’elle repousserait nuages gris s’accumulant au-dessus de ma face plate. Quand conte parle des Beaux Habitants de Univers, quand conte est humilité, quand conte est lumineux, pour moi c’est coup de coeur.
Quand devant Grande Librairie, j’entendis Denis Infante évoquer sa renarde, « Rousse », déjà cela avait résonné en moi. Homme humble, écriture incomparable, Histoire inoubliable.
Suivre Rousse qui avance qui observe minuscule petite chose, qui découvre immensité du Monde. Quand Rousse apprend de Maître Norciel et de Maîtresse Écorce de Hêtre, c’est nous simple lecteur qui grandissons. Nature, ici, est malade, amis volants, amis rampants, amis nageants, amis marchants, inhalants et exhalants, ont soif et faim.
Pourtant Nature est source de Vie. Nature est beauté. Nature est richesse simple. Nature est amitié, amour, joie et tendresse. Nature est force. Nature est et restera.
Nous voilà donc Loutre et Ours à suivre Rousse au long du Grand Fleuve dans odyssée, à prendre conscience de beauté du vivant.
Ma note : 10 / 10
Lecture terminée le 27 mars 2025