
Titre : L’Épicerie du Paradis sur Terre
Auteur : James McBride
Édition : Gallmeister
Titre original : The Heaven & Earth Grocery Store
Traducteur : François Happe
Parution : Le 5 février 2025
Nombre de pages : 530
En 1972, des ouvriers de Pottstown, Pennsylvanie, découvrent des restes humains au fond d’un puits. À Chicken Hill, quartier pauvre où se côtoient Juifs et noirs américains, l’identité du squelette et la manière dont il est arrivé là sont deux secrets bien gardés. Moshe et Chona vivent là depuis des lustres. Ils en sont, en quelque sorte, la mémoire et l’âme. Moshe s’occupe du théâtre et Chona, de la petite épicerie du Paradis sur Terre. Depuis leur position privilégiée, rien n’échappe à leur attention. Alors, quand les autorités commencent à s’intéresser à un gamin sourd, Chona se met en tête de le protéger. Pour éviter qu’il soit placé en institution, elle met tout en œuvre, aidée dans sa tâche par le concierge du théâtre et leader informel de la communauté afro-américaine.
Chronique de la vie et de la survie de ceux qui vivent en marge de l’Amérique blanche et chrétienne, L’Épicerie du Paradis sur Terre nous rappelle que même dans les pires moments, il est possible de compter sur la force de l’amour et les liens qui unissent la communauté.
Des conseils, oubliez ou ne lisez pas la quatrième de couverture, installez vous confortablement, mettez vous une playlist de blues et de jazz, Duke Ellington, Louis Amstrong et laissez vous porter par cet extraordinaire roman. Pour en profiter pleinement, il ne faut pas se lancer dans cette lecture en en attendant quoi que ce soit. Faites confiance à James McBride pour vous attraper la main et vous guider à travers de cette histoire.
L’Histoire de cette Amérique qui n’est pas blanche, l’Histoire d’une ville de Pennsylvanie, l’Histoire d’un quartier Chicken Hill. C’est l’Histoire des hommes et des femmes qui habitent ce quartier et tant d’autres à travers les États-Unis. Des juifs, des noirs, des laissés-pour-compte. Nous sommes dans les années 30, le nazisme et l’antisémisme grandissent en Europe. Sur cette terre de rêves et d’espoirs, c’est la suprématie blanche et le Ku Klux Klan qui font rage.
James McBride décrit ce quartier sale, pauvre, oublié, à la périphérie de la ville blanche, où même l’eau est difficile d’accès. Les différentes communautés, les juifs italiens, roumains ou autre, les noirs y vivent les uns à côtés des autres sans vraiment se mélanger. Pourtant, la salle de concert de Moshe réunit les gens, la musique comme une communion, le pouvoir de la musique et de la danse. Et il y a l’épicerie du Paradis sur Terre tenu par Chona, une femme extraordinaire, une femme qui attire les gens, une femme gentille pour qui peu importe la couleur, peu importe la religion, chaque personne sur Terre mérite un brin de bonheur. Cette femme distribue le bonheur et la joie autour d’elle.
Cette lecture, c’est la confrontation de la noirceur ambiante de cette époque, de celle qui habite et qui sommeille en chacun de nous, avec la lumière et la bonté. Je referme ce roman avec le sourire aux lèvres, avec de la joie dans le cœur. James McBride nous prouve à travers ce roman que tout n’est pas tout noir ou tout blanc, qu’il faut garder espoir dans les femmes et les hommes, qu’il y a de la bonté en chacun de nous. J’ai été transporté et j’ai été touché par ce grand roman.
Pour finir, je vous laisse avec une phrase qu’a prononcé James McBride lors de sa venue à Paris pour la soirée des 20 ans de Gallmeister et à la fin de son concert / lecture avec son groupe :
« Nous sommes tous des soldats de la Liberté »
Ils comprennent ce que la plupart des gens dans ce pays ne comprennent pas: qu’on ne peut pas retrouver ce qu’on n’a jamais eu. Vivre dans un pays qui n’est pas le vôtre, faire comme si vous saviez tout alors que ce n’est pas le cas, inventer des règles pour ceci ou cela pour vous faire paraître impor-tant, ça vous met à rude épreuve. Ce pays n’appartient pas à ceux qui le dirigent, tu vois. Et ça rend certains d’entre eux, les meilleurs d’entre eux, les plus honnêtes d’entre eux, ça les rend dingues. On est dans la même situation, toi et moi, étant des gens de couleur.
Alors que le groupe avançait pesamment, assortiment disparate de voyageurs parcourant une dizaine de pas comme si c’était une dizaine de milliers de kilomètres, des voyageurs qui trainaient tous les pieds, arrivant de différentes contrées, humbles marcheurs à travers un pays qui se targuait d’être si fier, un pays qui leur donnait tant, mais qui leur demandai plus encore. Ils allaient au pas, comme des fusgeyers, vagabonds cherchant un endroit pour vivre en Europe, ou membres d’une tribu d’Afrique de l’ouest, débarqués d’un navire sur un rivage de Virginie pour lancer un dernier regard de l’autre côté de l’Atlantique, en direction de leur patrie, avant de se rejoindre dans une destinée commune, tous autant qu’ils étaient – Isaac, Nate, et les autres – dans un avenir de néant américain. C’était un avenir qu’ils ne pouvaient pas voir clairement, où la richesse de tout ce qu’ils avaient apporté à cette grande terre de promesse serait un jour oubliée, la glorieuse tapisserie de leur histoire réduite à une série de publicités télévisées de dix secondes, à des jours de fêtes vides de sens, et à des rencontres sportives noyées sous les froufrous patriotiques rouges, blancs et bleus, les célébrants applaudissant tout cet éclat tapageur sans avoir la moindre idée des luttes horribles et du fier passé de leurs ancêtres qui avaient rendu leur vie si facile.
Ma note : 10 / 10
Lecture terminée le 12 janvier 2025