La montagne vivante

Tandis que je me tiens là dans le silence, je prends conscience que le silence n’est pas total. L’eau parle.

Quel beau voyage effectué à travers cette lecture. Un livre adoré par Camille qui me l’a prêté et parfait pour nous donner encore plus envie de ce voyage en Écosse que nous projetons. Nan Shepherd est une autrice-voyageuse, ce texte elle l’a laissé enfermé dans un tiroir pendant trente ans… Quelle merveilleuse idée de l’en avoir sorti.

Plus qu’un récit de ses multiples pérégrinations dans les Cairngorm écossaises, ce texte retrace son voyage à la découverte de la Montagne, de l’esprit et du coeur de la Montagne. Il y a quelque chose d’enchanteur, de mystique même à lire Nan Shepherd. C’est envoutant, lors de ma lecture j’étais comme ailleurs, à ses côtés, dans ce brouillard enveloppant les monts et les lochs qu’elle nous décrit si bien.

Les Cairngorm, la montagne, les rivières, les monts et les lochs, Nan Shepherd ne les a pas seulement parcouru, elle ne les a pas seulement grimpé, elle ne s’est pas seulement baigné dedans… Elle les a véçu, elle les a écouté, elle les a regardé, elle s’en est nourrit, elle s’en est imprégné… Cette nature, elle en fait partie. La nature vit en elle. Lire Nan Shepherd, c’est découvrir sans vraiment les comprendre les mystères de ces lieux enchanteurs, c’est vivre par procuration son voyage intérieur, c’est imaginer les couleurs, les sons, les visions qu’elle décrit avec tant de passion et de justesse. Lire La montagne vivante de Nan Shepherd, c’est prendre un grand bol de l’air bien frais écossais, c’est se perdre dans les nuages, c’est entamer également son propre voyage… Un voyage qui Nous mènera forcément sur ses pas.

Le soleil du milieu de l’été a attiré l’humidité hors de terre de sorte que j’ai fait une partie du trajet dans un nuage, mais à présent la dernière vrille s’est dissoute dans l’air et il n’y a rien que de la lumière dans le ciel. Je peux voir jusqu’aux extrémités de la terre et haut dans le ciel.

Car c’est la force de l’eau qui est sa qualité la plus effrayante. J’adore ses fulgurations et sa brillance, sa musique, sa souplesse et sa grâce, les claques qu’elle me donne, mais je craint sa force. Je la crains comme mes ancêtres doivent avoir craint les puissances naturelles qu’ils vénéraient. Son mouvement renferme tous les mystères. Elle se glisse hors des trous comme le serpent d’antan. J’ai assisté à sa naissance et plus je contemple ce surgissement plein d’assurance et d’acharnement de l’eau au sommet même de la montagne, plus je suis déconcertée.

C’est la rivière. L’eau, cette puissante chose blanche, un des quatre mystères élémentaux, peut être vue ici à son origine. Comme tous les mystères profonds, elle est si simple qu’elle m’effraie. Elle sourd de la roche et s’écoule. Depuis un nombre incalculable d’années elle a émergé de la roche et s’est écoulée. Elle ne fait rien, absolument rien que d’être elle-même.

Ce pouvoir qu’a le vol de nous intégrer à lui à travers l’oeil comme si nous avions effectivement partagé le mouvement, je ne l’ai jamais ressenti aussi puissamment qu’en regardant les martinets sur les sommets. Leur course vertigineuse dont chaque courbe est en même temps un miracle de grâce, le sifflement qu’ils provoquent en fendant l’air et leur cri aigu qui évoque à peine le son que peut produire un oiseau terrestre, semblent rendre visible et audible une essence de l’esprit libre et indomptable de la montagne.

Année après année, j’ai développé avec tous ces éléments une telle familiarité qu’elle m’empêche de dire toute la vérité sur eux telle que je l’ai acquise. J’ai été l’instrument de mes découvertes mais la maîtrise de cet instrument doit aussi être apprise. Ainsi les sens doivent être entraînés et disciplinés. L’oeil à regarder, l’oreille à écouter, le corps à bouger avec justesse. Je suis capable d’enseigner à mon corps de nombreuses compétences nécessaire à la connaissance de la montagne, dont l’une des plus indispensables est la tranquillité.

C’est un voyage dans l’être ; car à mesure que je pénètre plus profond dans la vie de la montagne, je pénètre aussi dans la mienne. Pendant une heure je me trouve au-delà du désir. Ce n’est pas une extase qui vous transporte hors de soi-même qui fait l’homme tel un dieu. Je ne suis pas hors de moi-même, mais en moi-même. Je suis.

Lecture terminée le 24 juillet 2024


Une réflexion sur “La montagne vivante

Laisser un commentaire