Highlands

Merci à Jérôme Magnier-Moreno pour l’envoi de son dernier livre. Une rencontre livresque inattendue qui entre en résonance avec un livre lu juste avant, La montagne vivante de Nan Shepherd, l’Écosse tout d’abord, lieu commun aux deux livres et la relation aux couleurs présente et marquante dans les deux ouvrages.

Un départ, une fuite, un voyage sur les traces de l’enfance, une recherche du souvenir maternelle et d’un lac sans nom aux confins de l’Écosse. Jérôme Magnier-Moreno, l’écrivain, RORCHA, le peintre, une seule et même personne, en mots et en peintures, cet homme livre avec beaucoup d’humanité et de sincérité un moment de sa vie. Un simple mot avec « Je pars » est le point de départ de ce récit qui grâce aux trains de nuit nous entraîne dans la Lande Écossaise.

Et puis tout à coup au détour d’un bosquet, elle surgit dans un déferlement d’océan : la Lande. Elle est maintenant là sous mes yeux, immense et princière, étirant à perte de vue ses longues vagues de terres mauves, jetant contre le train son ressac de bruyères. C’est pour elle que je suis revenu jusqu’ici, pour sa dureté, son humidité, sa sauvagerie et les innombrables lochs qu’elle recèle – turquoise, noirs ou azur -, les plus belles choses qu’il m’ait jamais été donné d’admirer et dont ma mémoire n’a fait qu’amplifier le sublime au cours des années.

Marcher sur les chemins empruntés lors de son enfance en étant dorénavant un homme avec ses problèmes d’adulte, essayer de retrouver les sensations partagées avec sa mère qui n’est plus là, n’est pas quelque chose d’évident. Pour Jérôme, souvenirs et réalité se mêlent devant ses yeux et dans son esprit. C’est cette expérience qu’il écrit, qu’il raconte et qu’il peint. Cela donne une lecture qui a quelque chose d’assez spéciale, une impression d’être le rocher, le nuage, la goutte de pluie, le brin d’herbe qu’il croise, l’impression de vivre le moment avec lui, d’être présent.

Les peintures ne sont pas que de simples illustrations mais réellement une autre lecture de ce qu’a vécu Jérôme Magnier-Moreno. Elles sont très belles et poussent à explorer le travail de RORCHA.

Au fur et à mesure de notre remontée vers les confins polaires de l’Écosse, quelque chose bascule dans la démesure, le déchiqueté du relief, la manière dont les échines rabotées des montagnes s’allongent et se prolongent en crêtes qui semblent ne jamais finir. C’est un territoire toujours plus vaste, toujours plus austère, sur lequel roulent d’énormes nuages surgis de l’Ancien Testament et dont chacun paraît donner plus de sens à ce beau mot mystérieux : Highlands « Terres hautes » oui, c’est bien à travers elles que je m’aventure maintenant.
En observant leur danse en apparence chaotique, je me rends compte qu’ils bougent d’un même mouvement, ou plutôt que malgré leurs tracés individuels aléatoires, ils semblent régulièrement se resynchroniser, pris d’un tressauteront commun. C’est un véritable feu d’artifice zonzonnant, un ballet de sauterelles et de coléoptères les plus variés. Éclat d’émeraude, de rubis et de lapis-lazuli diffractés aux quatre coins de l’espace par les carapaces de ces petites bêtes aux noms étranges et beaux : cétoine dorée, capricorne, hoplie bleue et l’étonnant « grand mars changeant ». Si vous disparaissez, délicats compagnons ailés, ce seront aussi des mots magnifiques qui mourront avec vous…

Lecture terminée le 25 juillet 2024


Laisser un commentaire