Kukum

Page après page, coup de pagaie après coup de pagaie, au même rythme que Camille, nous avons voyagé au Canada pour le #1mois1paysenlivres.

Ma Kukum ne souriait pas beaucoup… Je la vois avec sa robe bleue errer à l’intérieur de cette maison dans laquelle j’ai tellement de souvenirs. Toujours son regard triste mais qui s’illuminait dès que ses petits enfants étaient là. Elle n’était pas très causante ma Kukum, pas très expressive… Pourtant j’ai toujours ressenti l’amour qu’elle avait pour nous… Pour moi…

Que m’a t’elle transmis ? C’est une très bonne question… À laquelle je n’aurais su répondre si je n’étais tombé sur ce petit carnet rose… Remplit de l’écriture de ma Kukum… J’ai compris à ce moment là… Que j’avais un lien avec ma Kukum… La passion de la lecture et de la poésie… J’ai découvert ses poèmes… Je les garde précieusement.

Michel Jean dans son livre, nous parle de sa Kukum avec beaucoup d’admiration et de tendresse. Il retrace la vie de celle qui venait d’ailleurs mais qui par amour a changé de vie… De peuple… Sa Kukum, elle, a transmis le passé, l’histoire et la culture des peuples autochtones, l’histoire de la forêt et du lac Pekuakami… Peuples, forêts, lacs et rivières, tous ont souffert du changement et du modernisme apporté par les blancs… Pour ne pas oublier…

J’ai fixé les yeux de celui qui me demandait de le suivre jusqu’au bout du monde. J’y ai vu la rivière, le lac long et, au milieu, moi et ce jeune homme aux larges épaules et au regard confiant.

J’ai vécu la maternité comme une grande responsabilité qui m’était confiée. La vie en territoire pouvait paraître fragile et elle l’était souvent. La survie des humains dépendait de leur capacité à s’adapter au monde, à vivre en harmonie avec la nature, comme le font les autres espèces. Nous y avions notre place. C’est ainsi que j’en suis venue à comprendre notre existence en forêt.

Je ne suis qu’une vieille qui a trop vécu. Toi au moins, mon lac, ils ne peuvent rien contre toi. Tu es immuable.

J’arrivais d’un monde où l’on estimait que l’humain, créé à l’image de Dieu, trônait au sommet de la pyramide. La nature offerte en cadeau devait être domptée. Et voilà que je me retrouvais dans un nouvel ordre des choses, où tous les êtres vivants étaient égaux et où l’homme n’était supérieur à aucun autre.

Je me suis glissée sur lui pour entendre son cœur battre entre nos corps. Je l’ai embrassé, j’ai enfoncé mes doigts dans ses muscles, roulé mon ventre sur le sien. Il s’est agrippé à mes hanches et a déposé des baisers sur mes paupières. Nous sommes demeurés ainsi dans la tiédeur de notre abri. Puis il a murmuré : 
«Tshishatshitin.»
C’était la première fois que quelqu’un me disait :
«Je t’aime».

Lecture terminée le 1er juillet 2024


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